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La grâce, pour un art de vivre

la Beauté n’est pas une parole ou un acte, elle est l’accueil de la grâce, c’est donc au présent qu’il m’est possible d’accueillir-ce qu’on appelle « la grâce ».
Avant de parler d’art au sens de langage artistique, nous avons à entrer dans un art de vivre. Découvrir que vivre, c’est un art. C’est être créateur dans le quotidien, obéir à ce besoin de neuf, de renouvellement qui n’est autre que le combat de la vie.

L’accueil de la grâce

On ne peut pas parler de la Beauté comme on pourrait parler de la vérité ou de la bonté. Pourquoi ? Parce que la Beauté n’est pas une parole ou un acte, elle est l’accueil de la grâce. C’est donc en ce moment, ici même qu’il m’est possible d’accueillir ce qu’on appelle « la grâce ». Cela requiert ouverture à moi-même d’abord, puis à vous qui me regardez et qui m’écoutez. J’aime beaucoup ce mot, parce qu’il peut être entendu aussi bien dans son acception profane que sacrée. On parle de la grâce du danseur, de celle de l’enfance, ou de la grâce de Dieu. Mais n’est-ce pas dans tous les cas « la » grâce, à la fois unique et multiple dans sa manière de se manifester ?

Entrer dans un art de vivre

Quand je vous regarde, je réalise que toute la question est là. Nous sommes tous différents, chacun de nous représente un univers, chacun a une façon unique d’être et d’entrer en relation. Alors, comment passer de la cacophonie à l’harmonie ?

Avant de parler d’art au sens de langage artistique, il me semble que nous avons à entrer dans un art de vivre. Découvrir que vivre, c’est un art. C’est être créateur dans le quotidien, obéir à ce besoin de neuf, de renouvellement qui n’est autre que le combat de la vie.

Être créateur dans le quotidien, obéir à ce besoin de neuf, c’est le combat de la vie.

La vie biologique d’abord, mais aussi la vie avec un grand V. D’ailleurs les arts n’ont-ils pas pour mission d’inviter les hommes à se retrouver, à raccrocher avec leur propre mystère, à retoucher au pourquoi de leur existence ? Ce n’est pas seulement prendre un bol d’oxygène entre deux périodes d’apnée ! Et paradoxalement cette quête de beauté implique une ascèse, ce que j‘appellerai une liturgie du quotidien. Pourquoi est-ce qu’on met une nappe sur la table, par exemple ? Est-ce un principe, un héritage bourgeois ou un geste contenant au-delà de son côté pratique une sorte de rite, une préparation à la rencontre ? Je crois volontiers que la conversation ne sera pas la même, selon que l’on aura pris soin ou non de tous les éléments constitutifs de la « liturgie » du repas

Les conditions de la création

L’exemple du repas peut s’appliquer à tout le reste. Ce travail de présence s’appuie sur la conscience de la grande fragilité de l’homme en même temps que de son infinie dignité. Les deux, je dis bien en même temps, c’est-à-dire dans le même moment. Être à la fois le plus exigeant et le plus indulgent, je crois que c’est cela l’ascèse de la beauté. C’est exactement ce qui se passe-comme au microscope- sur une scène de théâtre. On demande tout au comédien, ici et maintenant, mais dans quelles conditions il est mis ! Un lieu où l’espace, la lumière, le silence, l’intimité, tout a été pensé. Autrement dit un lieu qui pour être profane n’en est pas moins sacré

On en revient toujours à l’accueil de la grâce. Créer les conditions de la création. Elle est là, la liturgie du quotidien que nous recherchons.

Tant que je ne suis pas remis à ma place de créature, de totale dépendance à la grâce, je ne suis pas dans l’ordre de la création artistique, je peux « faire » des tas de chose, je ne peux rien créer.

Car nous ne pouvons être créateurs par nous-mêmes. Nous sommes créateurs parce que créatures. Et cette liturgie, c’est cette mise à niveau de ce que nous sommes. Permettons à notre corps, notre tête, notre pauvre cœur d’accepter leur état de faiblesse, de tension. Ainsi notre nature profonde, notre capacité à être habités par la grâce trouvera sa voie et sa voix. Elle osera s’exprimer. Tant que je ne suis pas remis à ma place de créature, de totale dépendance à la grâce, je ne suis pas dans l’ordre de la création artistique. Je peux « faire » des tas de chose, je ne peux rien créer. Là est, à mon sens tout le combat de l’artiste. Le talent est un cadeau crucifiant car jamais on ne peut s’appuyer sur lui. Il faut à chaque fois se retrouver comme le jeune homme riche, avec cette grande tristesse au cœur. Et chaque fois il faut vendre tout, perdre ce talent en terre, pour le voir refleurir.

Iris AGUETTANT

Elle entre en 1970 au Conservatoire d’art dramatique de Lyon en même temps qu’elle poursuit ses études de droit. Elle obtient le 1er prix de diction et la médaille d’argent en comédie moderne puis commence son métier de comédienne au Théâtre des Célestins sous la direction de Jean Meyer de la Comédie Française, ainsi que dans différentes compagnies d’avant-garde. Elle cofonde en 1976 le théatre de l'Arc-en-Ciel. Elle a joué notamment dans Etty Hillesum, Les Tolstoï, le Baron de la Crasse, La Cerisaie, Phèdre (rôle titre), Un long séjour interrompu. Elle crée des poétiques et met en scène Thomas More de Robert Bolt, La Cerisaie, l’Alouette, Renaud et Armide. Elle va également élargir son travail artistique à la mise en scène, la création de spectacles d’histoire et d’expression populaire (le Creusot, Québec, Santiago du Chili), et à l’écriture dramatique. Elle joue actuellement un spectacle marionnettique qu’elle a écrit, « Solo du Haut », mis en scène par Eric Deniaud.

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