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L’eau, source de vie, source de mort

Cet article est le premier volet d’une série de trois articles explorant la symbolique de l’eau. Jean-Noël André et Christian Roy nous font entrer progressivement dans la perception de l’eau. Elle est le principal composant de notre corps, elle fut le bain primordial de la création, elle nous introduit dans une dimension essentielle de la Vie, visible et invisible

L’origine aquatique

À l’état d’embryon, l’enfant dans le ventre de sa mère est immergé dans l’eau, il est dans son élément le plus adéquat et naturel à ce moment de son développement. Dans un documentaire étonnant, on voyait plusieurs nouveau-nés nager dans une piscine : ils étaient béatement plongés dans leur propre univers. Chacun de nous est marqué par cette même origine inscrite dans ses gènes, si bien qu’on a pu dire que « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse » (Haeckel). Une grande mémoire ferait repasser l’individu humain en gestation par la suite des stades antérieurs de l’évolution de l’espèce, remontant au-delà des traits des  mammifères que nous sommes, jusqu’aux animaux marins dont nous descendons de loin en loin, reptiles mammaliens issus d’amphibiens qui ne furent d’abord que des poissons osant mettre le nez hors de l’eau ; ainsi, nous demeurons quelque part des poissons à la base ! Ce qu’il faut retenir, ce n’est pas que l’être humain descend du poisson au-delà du singe, mais que nous portons, écrite dans notre corporéité, dans notre être, toute l’évolution de la création et du mystère de la vie. On comprend que l’enfant, au moment de sortir du fluide amniotique où il était comme un poisson dans l’eau, pousse un cri, qui n’est autre que celui de la vie !

Tapis de la création 12è siècle Cathédrale de Girone

L’énergie aquatique

Nous naissons dans l’eau, constitués à 60 % d’eau, et pourtant, en touchant notre corps, nous ne sentons ni ne voyons l’eau. Qui plus est, notre enveloppe corporelle comprend 99 % de vide, en considérant les distances entre les particules subatomiques dont sa matière est formée. Au toucher, notre corps nous donne pourtant l’impression d’être quelque chose de solide, alors que, d’une certaine façon, nous ne sommes que du vide, du fluide et du liquide. De plus, l’eau est informe et paraît inconsistante, ce qui ne l’empêche pas de sculpter les paysages, les rochers, etc. C’est elle qui a toujours le dernier mot, comme en témoigne cette parole de Lao-Tseu :

Rien au monde n’est aussi mou et fluide que l’eau.
Mais pour dissoudre le dur et l’inflexible, rien ne la surpasse.

Le mou triomphe du dur ; le souple triomphe du rigide.
Tout le monde sait que cela est vrai, mais peu savent le mettre en pratique.

Lao Tseau

Ressentir la symbolique

Il  faut être particulièrement attentif à ce que nous recevons, à ce que nous percevons, car ces dimensions de l’infiniment petit et de l’infiniment grand sont aussi en nous ! Les enfants sont attentifs à la dimension de l’invisible, puisque cette faculté est innée. Vivre toujours concrètement les transporte dans un monde beaucoup plus grand et ils ne rencontrent aucune difficulté à vivre simultanément le matériel dans le spirituel, le visible dans l’invisible. De plus, ce qui nous amène au réel est souvent de nature sonore ; nous sommes plus proches de l’enfant quand nous savons être à l’écoute du chant de l’eau.

L’énergie  en général se manifeste sous forme de vague, c’est-à-dire d’onde, comme on appelle encore poétiquement l’eau, à quoi elle s’assimile symboliquement, puisqu’elle aussi n’est qu’un va et vient au sein du mystère insondable.L’eau est à la fois du concret, puisqu’on peut la toucher et qu’elle nous constitue, et quelque chose de difficile à discerner, qui dépasse notre compréhension première et nous situe en pleine dimension symbolique.

Prenons l’image de nos deux mains avec les doigts qui se croisent, en considérant que l’une représente le visible et l’autre l’invisible ; nous pouvons comprendre qu’elles s’interpénètrent et se complètent dans la distinction, sans fusion. Nous pouvons appliquer cette complétude à l’eau, à la fois goutte insaisissable et océan irrésistible.

Jean-Noël ANDRE

Né à Paris, dès son plus jeune âge la haute montagne des Alpes a été un lieu de ressourcement et d’émerveillement. Apprendre à harmoniser son corps entre l’intériorité et l’extériorité engageante de la nature a constitué une école de vie exigeante. Ingénieur de formation, il a appris à apprendre et depuis quelque 40 ans il est engagé par sa vie personnelle autant que professionnelle dans la rencontre culturelle, interculturelle et artistique. Le Québec est sa terre d’adoption depuis 30 ans et c’est sans conteste l’amitié profonde avec des personnes de plusieurs nations autochtones qui a façonné ses racines et son attachement à ce pays. Il a participé pendant 10 ans, d’abord à un atelier d’écriture puis à un atelier de création poétique avec Jean-Noël Pontbriand, instigateur du département de création littéraire à l’Université Laval de Québec. La poésie est une révélation, elle ne le quitte plus. Chargé de mission depuis 3 ans à la Maison du Visiteur à Vézelay en France, pour collaborer à la création d’un scriptorium ; mission qui met en évidence la symbolique millénaire qui mystérieusement relie les tailleurs de pierre du Moyen Âge aux Premières Nations d’Amérique du Nord et révèle les liens symboliques entre son pays de naissance et sa terre d’adoption. Il est cocréateur et impliqué dans plusieurs cercles de recherches et réflexion notamment sur la vie symbolique – France, Québec, Lituanie, également sur l’économie personnaliste en Bourgogne.

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