Le patrimoine, nourriture pour l’humanité
Le patrimoine est souvent défiguré ou marchandisé. Or, il est témoin de l’âme des peuples. La vocation des animateurs du patrimoine est d’être des passeurs de culture, et d’ouvrir des terres intérieures chez les visiteurs. Hélène Ramin, directrice artistique de la Maison du Visiteur à Vézelay, partage sa méditation
La blessure du patrimoine est profonde : ce sont les larmes versées sur le cœur de Beyrouth en ruines ou encore les destructions des bouddhas, des icônes, des temples de prières. Ce sont les campagnes acharnées de négation des savoir-faire ancestraux au profit d’opportunismes aveugles. Ce sont les files des peuples en exode. La blessure est profonde parce qu’elle touche le corps tout entier des peuples. Elle les laisse mutilés, sans formes et sans voix, livrés à la survie, parfois à la haine.
Combien d’années faudra-t-il pour reconstruire ? Que de vocations humaines seront nécessaires pour ramener à la vie ces foyers de conscience, de rêves et de destins partagés ! Combien de trésors de patience pour restituer et retransmettre ?
L’animateur du patrimoine, passeur de culture
En ces temps de déroute et de folies meurtrières, le patrimoine se dresse tel une pierre d’achoppement. Il nous retient sur la pente de l’inconscience, de l’oubli et du sommeil. Le patrimoine n’est pas d’abord une richesse à sauvegarder ou un site à visiter absolument. Il nous révèle qu’il est fondamentalement le corps et la figure sacrés des peuples, le vêtement de leur dignité. Il s’offre comme un geste culturel qui pose la question ultime de l’être, face à toutes les formes contemporaines de mise à mort. Dans ce sens, il devient la nourriture indispensable au visiteur du jour, une sorte de viatique pour aller jusqu’au terme de son voyage.
Des racines pour nourrir l’âme des peuples et cultiver la Paix
La vocation de nos patrimoines consiste peut-être en une avancée vers l’espace sacré des racines. Si tel est le cas, ils sont au cœur d’un émerveillement ou d’une compassion. Ils sont capables de soulever et d’accompagner la question du sens.
Vient une autre question que nous éprouvons le besoin de nous poser plus particulièrement à nous-mêmes, animateurs du patrimoine. Cultivons-nous suffisamment ces témoignages d’art et de pensée avec la conscience que la foule des visiteurs d’aujourd’hui est une assemblée d’hommes en marche vers des terres intérieures ?
La mise en valeur et l’animation des patrimoines les plus prestigieux de l’humanité offrent-elles toujours aux hommes de toutes conditions, ces lieux d’intériorisation et de fraternisation ? Sont-elles en quelque sorte des haltes d’incitation et d’innovation sur le chemin de la Paix ?
Hélène RAMIN
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